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Le développement de l'âme

Alfred Percy Sinnett
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CHAPITRE IX :
LE PLAN SPIRITUEL (1/3)

Livrons-nous maintenant à la contemplation de ce royaume spirituel, dont le plan astral n'est que l'antichambre. Dès l'abord, il faut avoir présent à l'esprit la dualité d'aspect de ce royaume, qui correspond à la dualité d'aspect du plan astral. Le plan spirituel représente un état spécial pour les âmes de condition normale qui, entre deux périodes d'incarnation, s'y reposent dans de délicieuses émotions ; il représente une autre condition pour l'Ego purifié de l'initié qui, vivant encore, est capable de s'élever à ce niveau de conscience, tout en prenant part aux conditions d'activité et de responsabilité morale que comporte la vie terrestre.

      Les entraves, causées par une idée religieuse mal développée, sont de nature à empêcher ceux d'entre nous qui ne sont pas des occultistes entraînés de comprendre cette distinction. On se figure volontiers que le Ciel offre, à ceux qui passent de la vie à la mort, des conditions d'élévation et de progrès beaucoup plus hautes qu'elles ne le sont réellement. Bien que le champ de ces possibilités soit, pour ainsi dire infini – en ce qui concerne la connaissance et l'élévation de la conscience –, dans chacun des cas elles répondent exactement aux caractères d'évolution spirituelle de l'âme. Il n'existe en fait aucun plan de la Nature qui ne soit soumis à la loi de cause et d'effet. Si nous transplantons au Ciel une conscience, un être dont les attributs ne s'élèvent pas au-dessus des sentiments ordinaires de la vie physique, le Ciel ne lui offrira, ainsi qu'à ses pareils, rien de plus que la jouissance engendrée par ces mêmes sentiments. Vous ne changerez pas la nature d'un sauvage d'Afrique en le transportant daus une contrée civilisée et en le plaçant, sans transition, dans un milieu artistique, scientifique et littéraire. Je dirai même, en me servant d'un exemple familier, que si l'on offre à ce sauvage toutes les ressources imaginables de la civilisation, il ne choisira que les agréments de la nourriture, de la boisson et du confort matériel, seuls objets que son expérience de la vie lui fasse considérer comme enviables. Il en est ainsi des âmes imparfaitement développées composant l'humanité ordinaire. Le Ciel n'est un Ciel pour elles qu'autant que leur culture d'esprit les met à même de jouir de ses ressources. Mais, à toutes les âmes qui peuvent l'atteindre, il assure une félicité complète suivant le sens où s'est exercé leur développement spirituel.

      Je me hâte d'ajouter que par développement spirituel, je n'entends pas le développement de l'instinct religieux, au moins dans un sens exclusif. Le sentiment religieux très profond constitue, indubitablement, une phase du développement spirituel ; mais l'amour vrai, et dépouillé de tout égoïsme, est tout aussi apte à s'épanouir glorieusement sur le plan de conscience céleste ou spirituel.

      Le sens artistique est encore très empreint de vraie spiritualité et par là devient capable de provoquer une généreuse réponse du plan spirituel, qu'il soit caractérisé par la beauté de la forme, de la couleur ou du son. L'amour de la science également peut être spirituel s'il pénètre les choses dans leur essence ; mais lorsqu'il s'est consacré exclusivement aux détails d'ordre physique, il ne peut que devenir une force dont l'effet retiendra l'âme libérée par la mort dans les régions supérieures du plan astral, au lieu de lui servir de stimulant pour l'éveil spirituel.

      Comme je l'ai déjà dit, les ressources du plan spirituel sont presque infinies, car la pensée y exerce un pouvoir créateur bien supérieur à celui qu'elle possède sur le plan astral ; en outre, la conscience s'y trouve en relations directes avec la mémoire presque illimitée de la Nature, mémoire conservée – nous ne pouvons encore espérer comprendre comment – dans une perfection inaltérable par ce médium embrassant toutes choses que la science occulte désigne sous le nom d' « Akâsha ».

      Quelques-unes des manifestations de ce prodigieux agent peuvent être perçues sur le plan astral ; mais la connaissance de ces archives claires et précises appartient essentiellement au plan supérieur de conscience spirituelle. C'est le miroir naturel de tous les événements ; et il les rappelle, à ceux qui ont le pouvoir de les lire, jusque dans leurs moindres détails. Comme rien ne pourrait modifier un événement du passé, après qu'il est accompli ; rien, non plus, ne saurait l'effacer de la mémoire de la Nature. Nos propres réminiscences, pendant la vie physique, proviennent d'une lecture imparfaite de celles de ces annales qui nous concernent personnellement, celles qui se trouvent, en quelque sorte, reliées par des affinités magnétiques à nos cellules cérébrales ; mais la totalité de ces archives est accessible aux facultés spirituelles qui s'exercent librement sur le plan spirituel. Nous sommes alors en mesure de nous souvenir de tout ce qui s'est passé dans l'histoire de notre monde, non de cette façon vague ou obscure propre à la mémoire physique, mais en voyant se dérouler devant nous et avec tous leurs détails les scènes du passé ou la succession des événements qui attirent notre attention.

      Mais ces archives ne se déroulent que si l'attention s'y fixe dans un but déterminé. C'est là un point extrêmement important ; et l'on verra que l'Akâsha ne revêt son caractère panoramique que pour les âmes du plan spirituel inspirées du désir de les consulter. Pour l'individu qui meurt dans les circonstances usuelles et qui, après sa libération du plan astral, passe sur le plan spirituel, ces archives commémoratives de la Nature sont pour lui lettre morte si toutefois l'esprit de cet homme n'a pas été poussé à les consulter.

      Quoique le plan spirituel soit sujet à certaines limitations pour ceux qui y entrent par la voie ordinaire, il ne s'ensuit pas que son caractère de félicité soit limité de la même façon. Dans cette bienfaisante atmosphère, il n'y a place pour aucune souffrance de quelque nature qu'elle soit. Tous ceux qui y parviennent se trouvent, par ce seul fait, pénétrés d'un sentiment intime de joie, de félicité pure et sans mélange. Les luttes, les souffrances de la vie incarnée sont finies, abandonnées pour un temps et un temps même très long. L'âme plongée dans le ravissement a sans cesse conscience de la présence des êtres et des choses indispensables à son bonheur parfait, pourvu que ces conditions de bonheur soient susceptibles d'expression sur le plan spirituel. D'ailleurs, si cette âme était assez peu évoluée pour ne comprendre la jouissance que dans un entourage tout à fait matériel, elle ne pourrait jamais avoir accès au plan spirituel. Mais il ne s'agit pas ici des âmes que leurs attaches terrestres retiennent dans l'astral, mais bien de celles qui, si faibles qu'elles soient, se sont élevées plus haut.

      Au premier abord, l'étudiant pourra juger peu satisfaisant ce genre de bonheur spirituel ; il pourra trouver même un caractère illusoire à la félicité promise aux habitants du ciel que je dépeins. Prenons le cas d'un individu que nous désignerons par la lettre A et dont le bonheur dépend de son intimité avec B... Sur le plan spirituel, il jouira de cette intimité. Mais supposons que B... ne comprenne d'autre bonheur que l'amitié de C... Il est possible que B... ne se soucie nullement de A... On pourrait objecter ici que A... se méprend lui-même, qu'il est dupe d'une illusion dont la découverte réduirait à néant son bonheur. Cette critique est défectueuse, parce qu'elle confond les choses extérieures et les choses essentielles. Lorsque nous considérons l'idée d'intimité au point de vue terrestre, nous ne considérons que les choses extérieures. Sur le plan physique, nous n'attachons pas autant d'importance à la pensée intérieure, à la conscience de la personne aimée qu'à sa manifestation extérieure. Ceci est vrai au moins pour la plupart des hommes. S'il en était autrement pour quelqu'un de mes lecteurs, celui-ci verrait le plan spirituel s'adapter à son évolution supérieure, comme nous l'examinerons plus loin ; mais il ne faut pas critiquer l'œuvre de la Nature à un point de vue seulement.

      Le Ciel – j'entends par là l'état conscient de repos et de félicité que l'âme peut acquérir – doit être accessible à tous, et non réservé aux seuls êtres d'une haute intelligence. Si nous supposons A... né dans une condition sociale des plus humbles, comment pouvons-nous imaginer le bonheur qui l'attend ! Il n'est pas assez évolué encore pour se contenter d'aspirations purement spirituelles, car un individu ne change pas essentiellement par le seul fait de son transfert sur un nouveau plan d'existence. Notre ami A... s'est créé une idée illusoire du bonheur sur terre, s'il a concentré tous ses rêves de bonheur dans une affection qui selon notre hypothèse n'est pas partagée. Cette erreur doit-elle empoisonner toute son expérience céleste ? La recherche de la vérité spirituelle n'a pas été le but de sa vie ; en souffrira-t-il parce qu'il a été jusqu'à présent privé de cette connaissance ? Il a concentré toutes ses aspirations dans un sentiment terrestre ; la vie céleste lui offrira-t-elle un épanouissement complet de ce sentiment ?

      Qu'est-ce après tout que la réalité et qu'est-ce que l'irréalité lorsqu'il s'agit de manifestations de choses et non de leurs réalités essentielles et spirituelles. Le corps de l'ami que nous chérissons est-il une réalité ? Mais dans peu d'années il ne sera plus que poussière et néant ; tandis que, bien des siècles après sa dissociation, l'image spirituelle évoquée ou créée par la pensée de A... subsistera encore devant lui éternelle et immuable. Et cette image n'est pas un fantôme insensible ne contentant que son regard. Sur le plan spirituel, les créations de la pensée sont vivantes. Pour A..., l'image de son ami ne sera jamais indifférente, car son désir l'a douée de sentiment. Le monde dans lequel il vivra – le Ciel – est incontestablement un monde subjectif ; considéré au point de vue de la connaissance suprême, c'est un royaume de félicité intense dans lequel il n'y a point de place pour la déception et dont la durée dépendra de l'intensité du désir qui l'a évoqué. Ces conditions ne changeraient que si la conscience latente de A... renfermait d'autres aspirations à contenter, capables de remplacer celle dont nous avons parlé, ou exigeant un épanouissement simultané. Le monde subjectif, où l'âme goûte la vie céleste, renferme bien des sources d'affection et bien des causes de jouissance. Mais, s'il nous est loisible de demander aux ressources infinies du plan spirituel des jouissances d'ordre supérieur, ne nous imaginons pas que le Ciel ait été créé, pour notre convenance propre, et qu'il abandonne à leur malheureux sort ces multitudes d'êtres dont les aspirations ne dépassent pas le simple bonheur suggéré à leur imagination par une expérience irraisonnée de la vie terrestre.

      Je sais qu'au premier abord ce genre d'idées déconcertera bien des conceptions relatives aux expériences célestes ; mais si les dispositions de la Nature ne peuvent réaliser certains espoirs, cet insuccès n'est pas dû à l'insuffisance céleste pourrais-je dire, mais au caractère absolument déraisonnable et impraticable de ces espoirs. Ce n'est qu'à un niveau inaccessible encore, à la majorité peu développée de l'humanité, que l'âme acquiert la possibilité de prendre contact avec ces réalités plus profondes de l'existence spirituelle, et de comprendre l'union vraie existant entre toutes les individualités spirituelles. Mais l'être dont l'évolution spirituelle est imparfaite ne saurait trouver de bonheur dans une libération prématurée des limitations, qui offraient, jusqu'alors, un rayon suffisant à l'expansion de ses affections. L'existence dévakhanique peut donc être considérée, jusqu'à un certain point, comme une vision ; mais cette vision est aussi intense – toutes les assurances reçues nous induisent même à croire qu'elle est plus intense – que l'illusion qui nous environne sur le plan physique. Il est vrai que, considérés du plan le plus élevé, tous les états qui se trouvent audessous tiennent en quelque sorte de l'illusion. Cette illusion augmente, de plus on plus, au fur et à mesure que notre observation se porte vers les plans inférieurs et atteint son maximum dans les manifestations de la vie sur le plan physique.

      Celui qui étudie les vérités cachées de la Nature, en rapport avec les conditions post mortem, ne ferait aucun progrès sérieux s'il n'avait, tout d'abord, bien compris les difficultés du cas précédent. J'admets qu'au premier aperçu des faits, l'esprit fortement imprégné de vagues et impraticables conceptions puisse se révolter contre cette façon exacte d'envisager la vision dévakhanique. Les individus qui considèrent comme inaccessibles, autrement qu'en imagination, toutes les régions situées au-delà du monde visible, se font, du Paradis, une conception imaginaire peu intelligente. Ils perdent ainsi la notion de tous principes ; ils oublient l'idée fondamentale de l'évolution. Ils voudraient que le Ciel offrît à tous les hommes le bonheur rêvé par les représentants les plus avancés de leur race, que ce Ciel fût une localité objective, que les choses vues par l'un de ses habitants le soient également par tous, et que les conditions où se complaît un être réjouissent au même point tous les autres. Cette idée est encore plus folle qu'immorale. Les possibilités finales de l'évolution réservent à l'humanité, dans le stade d'évolution actuel, des destinées spirituelles dépassant immensément celles de notre plan dévakhanique. Je parlerai plus tard de quelques-unes de ces possibilités.

      Longtemps avant qu'elle soit devenue consciente sur les niveaux nirvaniques, l'âme humaine, au cours des innombrables incarnations nécessaires à son évolution, sent le besoin d'un repos spirituel et désira ardemment de nouvelles expériences lui donnant le bonheur.

      « Je suis moi-même le Ciel et l'Enfer, » répond l'âme du poète persan envoyée dans l'invisible pour y surprendrE l'énigme de l'après-vie. Ces lignes renferment une vérité plus profonde que ne le croient beaucoup d'Entre ceux qui les citent et les approuvent ; ils se hâtent d'ailleurs de désapprouver cette même conception si elle leur est présentée sous une forme scientifique et précise. L'âme se crée, à elle-même, son paradis, en se servant, pour évoquer la vision véritablement nécessaire à son bonheur, des conditions éminemment responsives de la Nature sur le plan dévakhanique. En la laissant agir ainsi, la Nature n'entend pas sacrifier d'autres âmes, dont le bonheur serait compromis s'il leur fallait jouer exactement les rôles déterminés par les visions de tous leurs amis. Et ces âmes seraient-elles même sacrifiées qu'il ne serait pas toujours possible de leur faire jouer des rôles incompatibles entre eux.

      En résumé, certaines personnes pourront critiquer cet aspect du plan dévakhanique, ce Paradis de notre humanité pendant les périodes intermédiaires des réincarnations ; mais un Paradis édifié pour contenter toutes leurs objections prendrait bientôt la triste apparence d'un champ de luttes, de rivalités et de désespoir.

      En un certain sens, la vision dévakhanique peut être illusoire. Mais la conscience éclairée, qui plane à des hauteurs supérieures encore, trouvera que le plan physique, avec ses illusions autrement profondes, est un point de vue singulièrement mal choisi pour qualifier de décevantes les illusions relativement durables de la vision dévakhanique, car, sur le plan terrestre, le corps de chair et de sang est pris à tort pour la véritable individualité, et les choses transitoires y, sont seules considérées comme réelles.

      Faisons encore un pas en avant et examinons les possibilités du plan spirituel, réservées à ceux qui s'y éveillent après un temps déterminé passé dans le purgatoire. Le Dévakhan n'est pas pour eux une condition d'énergie ou de travail actif. Si ces êtres sont animés de sentiments philanthropiques au point de n'être réellement heureux qu'avec la possibilité d'aider leurs semblables, ce sublime attribut de leur nature s'affermira en temps voulu ; il tendra même à les ramener plus tôt vers la vie incarnée, seule sphère d'activité possible pour eux, avant d'avoir atteint des degrés d'évolution spirituelle que nous examinerons plus tard. S'ils en avaient eu le choix, peut-être eussent-ils volontiers sacrifié leur propre félicité céleste pour continuer, sans interruption, à aider leurs semblables ; mais la Nature ne se hâte pas d'accepter ce sacrifice. Nous admettons que, tout en étant d'un caractère élevé et très généreux, ils sont encore subordonnés au courant général de l'évolution, et, dans ce cas, la mort est pour eux l'avènement d'une période de repos et de bonheur. Qu'ils la réclament ou non, la récompense, ou une partie de cette récompense due à leur vie sage et méritoire, leur est allouée ; et si, comme je le disais, ils s'imaginent, au point de vue terrestre, que le bonheur ne saurait exister sans un labeur altruiste incessant, cette impression n'est due qu'à une ignorance partielle des conditions d'existence sur le plan spirituel. Il est inadmissible en effet, que les êtres, dont il s'agit ici, n'aient pas développé largement leurs qualités émotionnelles ; et la Nature usant des ressources illimitées que lui offre le Ciel, ne manquera pas de les rendre très heureux pendant la durée de leur repos spirituel.

      Sans changer les conditions générales de la vie spirituelle, que nous venons d'étudier, examinons maintenant l'intérêt de la condition céleste, c'est-à-dire les occasions qu'elle offre à l'âme avide de connaissance. Cette âme aura, tout d'abord, à sa disposition toutes les ressources de la lumière astrale.

      Ainsi que l'Ego spirituel, dirigeant sa pensée vers l'ami qu'il chérissait sur terre, l'évoque en son esprit créateur comme une vivante réalité, ainsi l'attention tournée vers certains événements ou vers les annales du passé, évoquera leur image vivante dans la mémoire universelle de la Nature. Cette considération ne s'applique pas seulement aux événements historiques ou aux anciennes périodes de formation géologique, mais aussi bien aux vérités essentielles que la science cherche à tâtons. Il est vrai que nos aspirations scientifiques, durant la vie, prennent souvent un essor audacieux et que nous nous posons des problèmes que les ressources mêmes du plan dévakhanique sont impuissantes à résoudre.




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